Léda et le cygne

Un mythe, plusieurs sources

Le mythe des amours de Zeus et Léda n’est pas uniforme : en effet, différentes interprétations sont données selon les sources telles que les Métamorphoses d’Ovide ou la Bibliothèque d’Apollodore.

Léda est la fille de Théstios, Roi d’Etolie et sa femme, Eurythémis. Elle est mariée à Tyndare, Roi de Lacédémone.

Les sources sont unanimes concernant les parents et l’époux de Léda, mais c’est le moment crucial de son union avec Zeus qui semble varier.

  • Zeus veut s’unir à Léda et demande l’aide d’Aphrodite : cette dernière se transforme en aigle, et Zeus en majestueux cygne : une poursuite commence, et Léda, à la vision du Cygne terrorisé par la présence de l’aigle, ne peut s’empêcher d’accueillir le cygne dans ses bras, lequel en profite pour s’unir à elle.
  • Il est parfois question d’un aigle poursuivant Zeus métamorphosé en cygne, mais face à la puissance du Dieu et sa véritable apparence, on peut douter d’une telle situation d’infériorité.

Bien que la balance semble peser vers la première hypothèse, dans tous les cas, la ruse se transforme en étreinte amoureuse. La séduction de Léda par le Cygne est suggérée mais non explicite. En revanche, il est affirmé que l’union se déroule près du fleuve de l’Eurotas.

De cette union vont naître les Dioscures, Castor et Pollux, Hélène et Clytemnestre dont la paternité fera débat, entre Zeus et le Mari légitime de Léda.

Un récit opportun à une variété d’interprétations artistiques

Ce mythe reste simple et ne joue pas dans les détails : cela permet aux artistes une marge d’interprétation considérable. Afin de rendre compte de cette part de liberté accordée aux artistes par le récit, nous nous concentreront sur un corpus de quatre oeuvres.

  • Léda et le Cygne de Véronèse, 1585, Musée Fesch, Ajaccio 
  • Léda et le Cygne de François Boucher, 1742, Collection privée
  • Léda et le Cygne, de Albert-Ernest Carrier-Belleuse, 1870, Metropolitan Museum of art, New York
  • Léda et le Cygne de Paul Cézanne, 1880, Barnes Foundation, Phildelphia

Léda et le cygne, Carrier-Belleuse, 1870

Léda et le cygne, Paul Cézanne, 1880

Léda et le Cygne, Véronèse, 1585

Léda et le cygne, François Boucher, 1742

La mise en tension de ces œuvres est intéressante puisqu’elle illustre l’imaginaire des peintres face à ce mythe.

 L’environnement

Pour l’ensemble des peintres, l’environnement où se déroule la scène est varié : il peut s’agir d’un environnement végétal : Boucher nous offre une scène plus lumineuse et complexe : il joue sur la transparence des drapés et des étoffes et Carrier-Belleuse suggère par la jarre d’eau qui se renverse, une scène extérieure, près d’une rivière.

Chez Cézanne, on trouve un environnement laissant deviner un intérieur assez simple alors que chez Véronèse, la pièce où se déroule le mythe est raffinée : on observe des tissus colorés et brillants, aux textures différentes, faisant à la fois contraste et rappel avec la blancheur du couple.

 Le cygne

La plupart des peintres figurent un cygne majestueux et resplendissant par sa blancheur : sa grâce, outil de séduction, est marquée par la ligne onduleuse de son col. Cézanne choisit de représenter le cygne de manière très simple, il ne se distingue pas dans l’œuvre, et semble secondaire face à Léda.

L’union du cygne à Léda est explicitement illustrée dans l’œuvre de Véronèse, et elle est plus suggestive chez Boucher : en effet, bien qu’une distance sépare Léda et l’animal, la tête du cygne se retrouve proche du sexe de Léda, et la forme suggère l’union future des deux personnages.

 Léda luttant, surprise, séduite et consentante.

L’image

On note que la vision de Léda est variée selon les artistes de ce corpus : alors que l’ensemble d’entre eux la présentent comme une femme charmante et raffinée par sa coiffure romantique et ses bijoux, Cézanne semble avoir un autre parti pris : Léda apparaît comme une jeune femme simple, antipathique par son regard indifférent envers le cygne. Aucun accessoire ne vient la mettre en valeur, ses cheveux sont relâchés et ses joues rougies.

Les réactions

Si Véronèse illustre Léda abandonnée au cygne, Boucher propose une Léda surprise : elle recule à la vue du cygne et montre un mouvement de stupéfaction en levant son bras. Toutefois, la surprise semble agréable puisqu’elle regarde le cygne avec délicatesse et esquisse un sourire complice.

Cézanne et Carrier-Belleuse semblent avoir choisi de représenter un moment de séduction : la Léda de Cézanne ne semble pas séduite, contrairement au groupe sculpté où elle esquisse un sourire timide, signe qu’elle succombe au charme du cygne.

 

Ainsi, on réalise que l’imaginaire des peintres pour une même scène varie. Certains choisissent de suggérer l’union, d’autres ce qui la précède. On note également qu’aucun de ces peintres ne révèle la présence de l’aigle, pourtant mentionnée dans la source : ce choix montre la priorité que les peintres donnent au mythe, il s’agit uniquement de Zeus et de Léda, l’aigle est ici un élément secondaire. Enfin, les différentes réactions de Léda face à l’animal illustrent parfois la beauté du mythe, ou le contraire…

Par Emeline

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